Tram Experience
2012 est déclarée année de la gastronomie à Bruxelles, au travers du festival Brusselicious. C’est dans ce contexte que VisitBrussels s’est associé à la STIB et Electrolux pour marier la gastronomie belge au mode de transport emblématique de Bruxelles: le bon vieux tram!
Et c’est donc dans un engin d’une cinquantaine d’années, superbement relifté que nous embarquons pour deux heures de voyage gastronomique autour de Bruxelles. Avec un peu de retard, et après avoir été accueillis sur le quai de l’arrêt Poelart par un steward, le déjà fameux tram blanc fait son apparition dans la nuit tombante. L’embarquement est parfaitement organisé, séquencé comme un embarquement d’avion, accueil chaleureux et sympathique du personnel de salle, et vestiaire au milieu du tram. Ce dernier accueille 34 couverts, répartis des deux côtés de l’étroite allée centrale, en tables de deux et quatre. Belle surprise, Mademoiselle S et moi occupons la table 2, à l’arrière du véhicule, avec vue privilégiée sur la cuisine ouverte. Là, nous entamerons rapidement la discussion avec Denis Roberti, traiteur “Les Garrigues”, dont nous pourrons observer le travail précis et parfaitement réglé durant le trajet.
Si la robe jaune du tram a fait place au blanc et noir, l’intérieur a également subit un lifting radical et extrêmement bien pensé: le blanc domine, les tables en Corian semblent être moulées d’une pièce et leur plateau présente des découpes maintenant les assiettes, verres, couvert et accessoires du service en place. Les banquettes en skaï ont fait place à de confortables fauteuils en mousse épaisse et rigide, tout comme les montants séparant les tables d’ailleurs. Les encarts publicitaires surmontant les fenêtres, typiques des trams bruxellois, ont fait place à de jolies photos de la région en noir et blanc, éclairées par un plafonnier ajouré délivrant une lumière jaune, et des néons bleus encastrés dans les fenêtres. Quelques écrans discrets rappellent les évènement phares des sponsors de cette initiative: un dîner de grands chefs belges pour Bru, le fameux Cube d’Electrolux, des scènes de vie bruxelloises pour VisitBrussels.
A peine assis, un verre de bulles et un amuse-bouche nous sont proposés. Chips de champignon et mousse de comté, accompagnés d’un consommé de légume et galantine de sandre. Le tram se met en route, et c’est sous le regard amusé ou dubitatif des passants du goulot Louise que nous dégustons cet apéritif!
L’ambiance est certainement le point fort de cette Experience: le bruit caractéristique du tram (vieux modèle!), les lumières de la ville visibles au travers des larges fenêtres, contrastant avec le blanc du mobilier souligné par la lueurs bleutée des néons… tout cela participe à créer un sentiment hors du temps et très jubilatoire… avant même la première bouchée, on est déjà conquis par cette expérience hors du commun.
Nous serons tirés de notre rêverie par la chute d’un de mes verres! Eh oui, c’est bien dans un tram que nous sommes, l’espace est étroit, et les secousses fréquentes! Les chauffeurs ont beau avoir été (paraît-il…) formés à une conduite douce, le personnel doit quand même faire preuve d’un excellent équilibre et esprit d’anticipation pour éviter les catastrophes! Mais cela fait partie du jeu, et ce petit incident est réglé dans la bonne humeur avec un personnel de salle hautement sympathique et plein d’humour.
Montgomery, l’entrée arrive! Cannelloni de veau, crème de foie gras d’oie aux olives vertes, comté 18 mois. C’est très bon. Les assiettes sont magnifiquement présentées, et le cannelloni de veau au foie gras est joliment accompagné d’une gelée (un peu trop rigide), d’un Comté 18 mois parsemé d’olives, et d’une sauce épaisse moutardée. La mousse de foie gras est très fine et goûteuse, mais malheureusement beaucoup trop froide pour l’apprécier à sa juste valeur… L’ensemble est néanmoins très plaisant. L’excellent Riesling qui accompagne l’entrée aussi ;-)
Nous apprenons en discutant avec le chef, Denis Roberti, que l’entièreté des plats est réalisée dans ses ateliers de Chaumont-Gistoux (traiteur Les Garrigues), sur base des recettes et instructions des chefs étoilés, Lionel Rigolet ce soir, qui auront au préalable ‘validé’ l’exécution du plat par le chef. La majorité des ingrédients est donc préparée à l’avance et stockée dans les grands frigos de la cuisine du tram, pour être réchauffés (dans trois fours et un chauffe-assiettes Electrolux si j’ai bien compté!) et assemblés à bord.
Après la descente de l’avenue de Tervueren, le plat principal nous est servi sur la longue droite du Boulevard du Souverain. Sandre, réduction de syrah au curry fumé, poivre de sélim et croquant de riz sauvage.Un beau filet de poisson sur un lit de chou vert, accompagné d’une délicieuse réduction de Syrah au curry fumé et poivre servi en salle, mousseline de céleri et riz noir croquant. Là encore, l’assiette est superbement dressée, très graphique. Et la dégustation est à la hauteur de la présentation: une pièce de poisson parfaitement cuite, très bien mise en valeur par une série d’accompagnement variant les goûts et les textures: superbe! Et très bien accompagné d’un rouge chilien Aromo…
Place Wiener, place au dessert! Doyenné pochée à la poire william, sorbet poire basilic, biscuit amande, agrumes au combava et thé Calcutta. Un bol noir mat couvert d’une ardoise présente une brunoise de poires pochées à la poire William surmontée d’un biscuit aux amandes. En soulevant l’ardoise, on découvre un surprenant et délicieux sorbet à la poire et au basilic, de texture absolument parfaite: un exploit dans ces conditions!
Dernière ligne droite sur l’avenue Louise. On aurait beaucoup aime un petit café et quelques douceurs chocolatées pour terminer ce repas… mais on se console en admirant encore les lumières de la ville; on ne s’en lasse pas!
Au final, ce fût une expérience vraiment exceptionnelle! Certes, le niveau n’est pas ici celui d’une soirée confortablement installé dans la salle d’un étoilé; les plats y seraient encore mieux mis en valeur. Les contraintes du lieu obligent certainement à certaines concessions sur la finition des préparations, le respect des températures idéales, et même le rendu chromatique des plats qui doit s’adapter aux différents types d’éclairage du wagon…
Mais ce que l’on perd en précision gastronomique, on le gagne très largement par le plaisir indescriptible que procure ce voyage hors du temps dans le cadre familier et réconfortant de la nuit bruxelloise.
Quelques détails pratiques:
L’évènement est décrit sur le site de VisitBrussels, et les réservations se font ici.
Victime de son énorme succès, il n’y a pour l’instant plus de places disponibles, mais on nous souffle qu’il faut y retourner souvent: des places vont probablement se libérer pour la période Mars-Août. Pour la suite (Septembre-Février), les réservation ouvriront quand le concept aura eu l’occasion de s’ébruiter en dehors du cercle des plus ‘foodies’ d’entre nous, afin de laisser la chance au plus grand nombre, touristes compris, de participer à cette expérience.
Les plats sont signés par six chefs belges, Pierre Resimont, Sang Hoon Degeimbre, Bart de Pooter, Yves Mattagne, Thierry Theys, et Lionel Rigolet, dont les cartes saisonnières se succèdent tous les 15 jours.